Lionel Garnier,
L'Agefi
Paris (Agefi-Dow Jones)--L'œil frise. Et le sourire est là. "Cela
fait des années qu'on n'a pas constaté, dès décembre, un tel
potentiel de nouveaux candidats à une introduction en Bourse"
(IPO), souligne un banquier parisien. Pour ce responsable du marché
primaire actions (ECM) d'une grande banque française, le millésime
2024 a déjà la couleur des belles promesses. Et il n'est pas le
seul à le penser.
"Avec le regain d'appétit au risque de la part des investisseurs,
les paramètres techniques qui devraient permettre un redémarrage
serein des introductions en Bourse sont là : une volatilité basse,
des valorisations mieux comprises par le marché et surtout
rationalisées par rapport aux prévisions de bénéfices", détaille
Jérôme Renard, responsable des marchés de capitaux Europe chez Bank
of America. "Une nuance toutefois : les investisseurs seront très
attentifs aux résultats prévisionnels des entreprises alors qu'on
attend certains ralentissements. Toutefois, en l'état, cela ne nous
parait pas de nature à constituer un frein au redémarrage des
introductions en Bourse", poursuit-il.
"Plusieurs projets d'IPO sont bien ancrés pour 2024, d'où un
certain optimisme sur ce terrain après une année 2023 très
sélective", convient Loïc Chenevier, responsable SECM France et
Benelux chez Natixis CIB.
Plusieurs beaux noms sur la ligne de départ
"Les candidats sont là, à travers l'Europe. A ce titre, les
premières opérations seront importantes", poursuit Jérôme Renard
chez Bank of America. Côté français, plusieurs dossiers sont déjà
officiels, avec un calendrier balisé.
Dès les premières semaines de 2024, tous les investisseurs seront
tournés vers Pluxee, l'activité de titres de paiement de Sodexo qui
doit être scindée. Si les actionnaires du groupe de restauration
collective donnent leur feu vert lors de l'assemblée générale du 30
janvier, Pluxee fera ses premiers pas boursiers le 1 février.
Aucune levée de fonds ne sera associée à son entrée en Bourse, mais
la place s'accorde sur la valeur d'exemple et l'effet
d'entraînement pour le marché. Le succès de l'opération comparable
la plus récente, à savoir la séparation de Solvay et Syensqo, où la
somme des capitalisations des deux chimistes est désormais
supérieure à celle du seul groupe belge, incite à l'optimisme.
Le printemps des IPO devrait aussi passer par la cotation d'Ampere,
la filiale dédiée aux véhicules électriques et aux logiciels de
Renault. "Ce sera pour avril ou juin", veut croire un banquier
engagé sur l'opération. Le groupe au losange sait qu'il joue gros
avec cette opération qui doit s'accompagner d'une levée de capital.
Or, le constructeur dirigé par Luca de Meo s'est laissé "piéger"
par des attentes élevées avec l'évocation initialement d'une
capitalisation de l'ordre de 10 milliards d'euros pour Ampere,
avant d'avancer une fourchette de 8 milliards à 10 milliards
d'euros, quand la Bourse ne valorise Renault lui-même que 11,1
milliards d'euros. "Il est beaucoup trop tôt pour s'enfermer dans
un niveau de valorisation pour Ampere", balaye une banque mandatée
pour l'opération.
Deux autres opérations d'ampleur devraient animer le marché, à
commencer par la pépite industrielle Exosens. Deux grandes banques
préparent la cotation de l'ex-Photonis, "peut-être dès ce
printemps", souligne l'une d'elle. Tombé dans l'escarcelle du fonds
HLD en 2021, après l'opposition de Bercy à sa prise de contrôle par
des capitaux américains, ce spécialiste du matériel militaire ne
veut plus être réduit à sa seule expertise en la matière "alors
qu'il réalise déjà plus du tiers de son activité en dehors de la
défense", précise un banquier.
L'autre gros morceau de l'année 2024 concerne le pôle de santé
grand public de Sanofi, qui doit être scindé dans le cadre de sa
stratégie de recentrage. "Ce serait l'opération de l'année
puisqu'on parle d'une valorisation de 15 à 25 milliards d'euros",
estime un banquier. "D'autres concurrents, comme Johnson &
Johnson ou GSK, se sont séparés avec succès par le passé de leur
activité 'consumer Healthcare'. Cela a du sens pour Sanofi
d'explorer cette voie", ajoute-t-il. Le cas échéant, l'opération
n'interviendrait pas avant le dernier trimestre 2024. Son format --
IPO ou sscission -- reste également incertain. Le groupe dirigé par
Paul Hudson devra dépasser les mauvais souvenirs de la cotation
d'Euroapi qui a laissé un goût amer aux investisseurs.
Quelle place pour les licornes en 2024 ?
Alors que l'Etat n'a pas caché l'espoir de voir une dizaine de
licornes tricolores se coter d'ici à 2025, il est difficile à ce
stade de voir les membres de la French Tech s'inviter en Bourse dès
cette nouvelle année. "Pour les sociétés de rupture technologique,
la tendance constatée est celle d'une année 2023 heurtée en termes
d'activité. Ce qui ouvre la voie à un meilleur exercice en 2024 qui
permettra d'envisager des IPO plutôt pour 2025", convient Jonathan
Banet, SECM Syndicate Manager chez Natixis CIB.
"Beaucoup de licornes ne sont tout simplement pas prêtes pour 2024,
soit parce qu'elles n'ont pas encore atteint le stade de la
rentabilité, soit pour des raisons de taille", approuve Thomas
Feuerstein chez Société Générale. "Comme en 2023, la question de la
liquidité demeurera en 2024 un facteur clé pour les opérations
ECM", souligne Alexis Le Touzé, responsable ECM France pour BNP
Paribas.
"En 2024, les investisseurs vont sans doute privilégier les
dossiers de croissance résiliente, assez balisée. Les dossiers de
croissance plus élevée mais plus spéculative ne seront sans doute
considérés que dans un deuxième temps", poursuit Thomas
Feuerstein.
Au-delà des IPO, les restructurations financières
Les introductions en Bourse ne seront pas les seules à animer la
cote l'an prochain. "Plusieurs 'drivers' sont attendus en 2024",
souligne l'expert, à commencer par les opérations de
restructuration financière. Clariane, Atos, voire Alstom, sont
attendus sur ce terrain. "Les entreprises auront aussi besoin de
venir sur le marché 'equity' soit pour essayer de réduire leur
levier, soit pour limiter l'effet de conditions de financement
relativement chères", estime Jose Antonio Gagliardi, responsable de
la syndication actions de Société Générale.
Un autre vecteur d'accélération concerne le retour des fusions et
acquisitions l'an prochain, "sans doute sur la deuxième partie de
l'année", estime un banquier. "Si le profil organique pur ralentit
quelque peu, les grands corporates se poseront la question de
réaliser des opérations stratégiques ou de nouveaux détourages",
prévient Jérôme Renard chez Bank of America. Aujourd'hui, au sein
du CAC 40, "pas moins d'une quinzaine de grandes entreprises
préparent et sont capables d'initier des opérations de croissance
externe de plus de 10 milliards d'euros", analyse une grande banque
américaine plus que centenaire par sa présence à Paris. Presque une
promesse de feu d'artifices pour 2024.
-Lionel Garnier, L'Agefi ed: VLV
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January 08, 2024 03:56 ET (08:56 GMT)
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